Magazines 2024 Sept - Oct Le pardon et la justice

Le pardon et la justice

31 October 2024 By David Guretzki

Le dur labeur de laisser Dieu ouvrir la voie

Traduit par François Godbout. Ce texte en anglais

Dans son livre The Sunflower, Simon Wiesenthal, survivant de l'Holocauste, raconte comment un soldat SS mourant est venu lui demander pardon pour les horribles crimes de guerre qu'il avait commis. Wiesenthal a refusé de pardonner à l'ex-nazi mourant.

Certains ont affirmé que Wiesenthal aurait dû accorder son pardon. D'autres ont affirmé que Wiesenthal, en pardonnant au soldat, aurait dangereusement ignoré les atroces injustices commises.

Certains critiques de l'enseignement chrétien sur le pardon se sont également demandé si le pardon perpétuait l'injustice. Le pardon ne permet-il pas aux gens de s’esquiver de la justice?

La justice est difficile à définir. Mais même la définition de « donner aux personnes ce qui leur est dû » soulève la question : Qui décide de ce qui est dû? L'État? Dieu? Ou une combinaison de ces éléments?

Pour comprendre la relation entre le pardon et la justice, il faut d'abord reconnaître que le péché est en fin de compte commis contre Dieu. « J'ai péché contre toi seul, Et j'ai fait ce qui est mal à tes yeux. », confesse le roi David, avant d'affirmer que Dieu seul a raison dans ses jugements (Psaume 51:4).

Face au péché, l'exigence de justice et son accomplissement commencent et se terminent avec Dieu. Tout péché est dirigé contre un Dieu saint et juste. C'est également Dieu qui juge gracieusement le péché en le faisant reposer sur les épaules de Jésus (Ésaïe 53:5 ; 2 Corinthiens 5:21). En donnant son Fils pour nos péchés sur la croix, Dieu satisfait aux exigences de la justice.

Cela signifie-t-il que nous ne devons pas nous préoccuper de savoir si le pardon renonce à la justice, puisque cela ne dépend finalement pas de nous?

L'amour et la prière pour que les ennemis de Dieu se repentent sont la réponse chrétienne au mal impénitent, et non le pardon unilatéral.

Absolument pas. En fait, alors que le roi David affirme que le péché est en fin de compte contre Dieu, il fait également l'expérience de la juste réponse de Dieu à son péché d'adultère et de meurtre. Il reçoit le don gracieux du pardon lorsqu'il se confesse à Dieu (2 Samuel 12:13), mais même le pardon de Dieu n'annule pas les conséquences - le fils né de David meurt (2 Samuel 12:14). 

Le pardon de Dieu n'annule pas, comme par magie, les vilaines conséquences du péché, ni les questions troublantes concernant le moment où la justice sera rendue. Les gens restent avec l'innocence perdue, des traumatismes physiques, spirituels, émotionnels et mentaux, et parfois la perte d'êtres chers à cause de la méchanceté d'autrui.

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Les chrétiens doivent faire preuve d'une extrême prudence et ne pas minimiser les blessures personnelles et sociales réelles que le péché entraîne souvent. Même lorsque les gens se repentent, cela n'annule pas les conséquences de leur histoire violente et pécheresse. Les victimes de violences physiques, spirituelles, émotionnelles, politiques et sexuelles ont, à juste titre, du mal à pardonner à ceux qui ont commis de tels péchés. Nous devons soutenir avec compassion ceux qui peinent à pardonner, même à un pécheur apparemment repentant.

Bien que nous croyions que Dieu finira par redresser tous les torts de ce monde, nous devons aussi résister aux clichés et aux jugements sévères à l'égard de ceux qui luttent pour pardonner, même aux repentants. S'ils persistent à ne pas pardonner aux repentis, ils en répondront devant Dieu (Matthieu 18:35). Mais nous savons aussi que Dieu entend leurs appels à la justice face à un péché violent et traumatisant (Psaume 94 ; Apocalypse 6:10).

Nous devons résister à une forme d'enseignement sur le pardon que j'ai longtemps cherché à contrer en la qualifiant de non biblique. De nombreux chrétiens croient que nous sommes obligés d'accorder un pardon illimité et global même aux impénitents. Une telle notion ne va-t-elle pas à l'encontre de l'ensemble des Écritures qui révèlent un Dieu qui ne promet pas le pardon à tous sans condition, mais seulement à ceux qui se repentent (Luc 13:3 ; 2 Pierre 3:9)?

Si la dureté de cœur et l'impénitence entraînent la colère éternelle de Dieu sur certains (Romains 2:5), pourquoi penserions-nous devoir faire aux impénitents ce que Dieu lui-même ne fait pas? S'il existe un risque de contourner la justice dans le pardon, c'est en accordant le pardon à ceux qui persistent à refuser catégoriquement de reconnaître leur péché et leur violence.

L'idée d'un pardon inconditionnel, même pour les impénitents, confond le pardon avec la notion d'amour pour nos ennemis. Jésus insiste pour que ses disciples aiment leurs ennemis et prient pour ceux qui les persécutent (Matthieu 5:44). L'amour et la prière pour que les ennemis de Dieu se repentent (Romains 2:4) sont la réponse chrétienne au mal impénitent, et non le pardon unilatéral.

Lorsque Jésus a dit : « Père, pardonne-leur » (Luc 23:24), il n'a pas accordé son pardon aux impénitents, mais il a remis ses ennemis entre les mains justes et miséricordieuses du Père. Les premières réponses à la prière de Jésus sont attestées par les milliers de personnes qui se sont repenties le jour de la Pentecôte en répondant à la prédication de l'Évangile (Actes 2:37-38).

Le pardon, bien compris, n'annule pas la justice; mais la justice de Dieu exige, au minimum, que les pécheurs reconnaissent, par la confession et le repentir, les injustices que leur péché a causées. En effet, cette confession et ce repentir sont parmi les premiers signes de l'accomplissement de la justice de Dieu.

David Guretzki est le président-directeur général de l'AEC. Vous pouvez lire d'autres articles sur le site FaithToday.ca/CrossConnections. Photo de la croix par Cody Otto.

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