L'antisémitisme et la voix publique de l'Église
Les crimes haineux ont augmenté pour la sixième année consécutive, selon Statistique Canada. Et sur les 1 342 crimes jugés motivés par la religion en 2024, 68 % étaient dirigés contre des Juifs. La haine abonde, et les Juifs sont particulièrement visés.
Un récent rapport gouvernemental sur l'antisémitisme dans les écoles de l'Ontario a mis en lumière plusieurs cas. Une jeune fille de 13 ans a été encerclée pendant plusieurs jours par cinq garçons qui lui faisaient le salut nazi en criant « Sieg Heil ! ». Une fillette de six ans s'est entendu dire par son enseignante qu'elle n'était qu'à moitié humaine parce que l'un de ses parents était juif. Quarante-neuf pour cent des incidents n'ont pas fait l'objet d'une enquête. Comment l'antisémitisme a-t-il pu atteindre de tels niveaux ?
Récemment, j'ai assisté à une réunion de rabbins et de pasteurs qui cherchaient des moyens de nouer des relations. Un rabbin s'est demandé si l'un des facteurs de la montée de la haine n'était pas la perte d'influence du christianisme au Canada. Il a invoqué l'avertissement du prophète Amos : « Voici, les jours viennent [...] où j'enverrai la famine dans le pays, non pas la disette du pain et la soif de l'eau, mais la faim et la soif d'entendre les paroles de l'Éternel (Amos 8:11).
Au Canada, cette famine est déjà là, a-t-il déclaré. « Les valeurs judéo-chrétiennes qui autrefois défendaient la justice, la compassion et l'humilité devant Dieu sont aujourd'hui remplacées par une culture qui privilégie l'expression de soi au détriment de la responsabilité collective, et les sentiments subjectifs au détriment des vérités éternelles. »
Le respect de la vie et de la dignité de tous dans notre société nous préserve des machinations eugéniques, du tribalisme et de l'exclusion.
Le christianisme était un puissant garde-fou moral au Canada qui freinait l'antisémitisme, mais l'engagement en faveur de l'égale dignité de tous s'érode, a-t-il déclaré. L'antisémitisme prospère lorsque « nous oublions que tous sont créés à l'image de Dieu, que chacun de nous a une valeur intrinsèque et une responsabilité morale ».
Il est essentiel de promouvoir la dignité humaine commune et de favoriser une culture sociale qui affirme l'égalité. Lorsque cette norme s'affaiblit, le narcissisme et le tribalisme prospèrent dans le vide ainsi créé. Les comportements alimentés par les mythes de supériorité, l'envie et la convoitise abondent. Ensuite, l'indifférence à la souffrance s'enracine.
Une partie de notre témoignage consiste à expliquer la nature toxique et corrosive du péché, comment les vides complexes de l'égocentrisme engendrent l'hostilité, entravent la bonté et mènent à la destruction (Psaume 37, 14 ; Proverbes 24, 2, 8-9).
Nous manifestons notre respect pour la dignité humaine égale de tous, même dans de petites expressions : un mot gentil ou une oreille attentive font une différence significative. Ces expressions témoignent de la réalité d'un Dieu aimant dont nous sommes tous l'image.
Mais notre témoignage comprend également la défense de nos lois et de la gouvernance de nos institutions publiques. Par exemple, en juillet, la Cour suprême du Canada a confirmé la législation criminalisant la prostitution, pour laquelle l'AÉC s'était prononcée il y a dix ans. Le principe sous-jacent de cette législation est que la prostitution est intrinsèquement une forme d’exploitation. Les interdictions visent à protéger la dignité humaine et à empêcher la marchandisation et la commercialisation de la personne humaine.
Juste après cette décision, j'ai été interviewé au sujet d'une autre intervention de l'AÉC, il y a 23 ans, dans une affaire devant la Cour suprême du Canada concernant le brevetage des formes de vie supérieures. Le brevetage de la vie humaine porte atteinte à la dignité humaine et conduit à une échelle d'utilité humaine négociable. Il commercialise la vie humaine, légalisant la propriété et le commerce de la vie humaine. La cour a donné raison à l'AÉC. Heureusement, cette interdiction reste également en vigueur.
Il est essentiel pour la sécurité de tous de plaider en faveur de l'application des principes bibliques dans le droit et les politiques publiques. Il ne s'agit pas d'une expression de nationalisme chrétien visant à obtenir des privilèges ou le pouvoir politique. Il s'agit plutôt de rechercher le bien-être de tous (Jérémie 29:7).
Le respect de la vie et de la dignité de tous dans notre société nous préserve des machinations eugéniques, du tribalisme et de l'exclusion. Les camps de la mort de l'Allemagne nazie ont commencé par l'eugénisme visant les personnes handicapées jugées indignes de vivre, puis, à partir d'actes d'intimidation, de graffitis et de vandalisme, ils ont pris pour cible les Juifs, considérés comme des parias et des personnes ne méritant pas une dignité égale.
Une voix forte en faveur de l'égalité de dignité est un antidote à la haine et à l'oppression des autres, une haine animée par un narcissisme qui nie l'égalité de dignité et de valeur des autres, les réduisant à des objets utilisables, ou par la perception que ceux qui sont différents ont moins de valeur. Tout le monde bénéficie du fait que nos lois affirment le caractère sacré de la vie humaine et l'égalité de dignité de tous.
Bruce J. Clemenger est ambassadeur principal et président émérite de l'Alliance évangélique du Canada, et auteur de The New Orthodoxy: Canada’s Emerging Civil Religion (Castle Quay, 2022). Illustration : McLura.