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Rétablir la promesse de civilité du Canada

28 February 2024 By Bruce Clemenger

Être un lieu de refuge

Traduit par François Godbout. Ce texte en anglais

La haine des Juifs a été qualifiée de plus longue haine de l'humanité. Et elle est en augmentation au Canada. Les statistiques sur les crimes haineux montrent que les Juifs sont le groupe religieux le plus visé.

Depuis les attentats terroristes perpétrés en Israël le 7 octobre, qui ont causé en un seul jour la plus grande perte de vies juives depuis l'Holocauste, on aurait pu penser que les incidents diminueraient en raison de l'horreur et de la compassion, mais c'est le contraire qui s'est produit. Les manifestations de haine se sont multipliées. Au lieu d'une condamnation universelle des attentats du 7 octobre, trop de gens ont célébré et justifié le terrorisme.

En réponse, beaucoup disent : « Ce n'est pas le Canada ». Pourtant, c'est ce que nous semblons être en train de devenir. Des institutions juives bombardées et visées par des tirs, des entreprises appartenant à des Juifs vandalisées, des communautés vivant dans la peur. Non pas à cause de ce que ces personnes ont fait, mais à cause de ce qu'elles sont de par leur naissance et leur héritage.

J'ai assisté à la cérémonie marquant la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste qui s'est tenue au Mémorial de l'Holocauste à Ottawa le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz en 1945. Le refrain est « Plus jamais » : plus jamais nous ne permettrons le génocide du peuple juif.

Mais de nombreux participants à la cérémonie ont mis en doute l'authenticité de l'engagement « plus jamais » face aux manifestations de haine, aux agressions verbales, au harcèlement et aux actes de violence à l'encontre des Juifs au Canada, ainsi qu'aux protestations organisées dans des quartiers majoritairement juifs.

Le même jour, une synagogue de Fredericton a été attaquée.

Dans une société libre, tolérante et civile, il y a de la place pour des protestations civiles et pacifiques. Si vous vous opposez aux actions ou aux politiques d'un pays, vous pouvez manifester devant son ambassade à Ottawa ou son consulat dans une autre ville. Si vous vous opposez aux actions du gouvernement canadien, ou si vous souhaitez que le gouvernement adopte certaines positions sur des questions nationales ou internationales, vous pouvez manifester sur la Colline du Parlement, signer des pétitions et discuter avec votre député. Nombreux sont ceux qui ont manifesté à Ottawa pour attirer l'attention sur le sort des citoyens palestiniens dans la guerre entre Israël et le Hamas.

Toutefois, le fait de s'en prendre aux Juifs et de les faire se sentir en danger et mal accueillis rappelle étrangement l'antisémitisme qui s'est manifesté au Canada dans les années 1920 et 1930. À l'époque, des panneaux étaient affichés sur les plages et dans les parcs canadiens, indiquant que les Juifs n'étaient pas les bienvenus. Le fait d'être juif était un obstacle à l'obtention de certains emplois. Dans certains cas, des quotas étaient imposés.

Nous ne devons pas laisser l'idéologie, le racisme ou la peur miner notre empathie, notre civilité et la tolérance sur laquelle elle repose.

Les premières manifestations d'antisémitisme en Allemagne, au début des années 1930, étaient à peu près similaires. Les Juifs sont pris pour cible parce qu'ils sont juifs.

Et ils ne sont pas les seuls.

Le lendemain de la journée de commémoration de l'Holocauste, c'était le 7e anniversaire de l'assassinat de six musulmans dans une mosquée de la ville de Québec. Dix-neuf autres personnes avaient été blessées lors de cette attaque. J'ai visité la mosquée au printemps dernier avec d'autres responsables chrétiens. L'un de ses fondateurs nous a fait visiter la mosquée et nous a décrit la séquence des événements de cette journée tragique. Il a également décrit les mesures de sécurité mises en œuvre pour tenter d'apporter du réconfort et un sentiment de sécurité face à la haine.

Depuis le 7 octobre, les musulmans ont également été victimes d'une augmentation des discours de haine et d'intimidation.

Le pacte social du Canada, un aspect de la civilité dans un pays largement peuplé par l'immigration, est que nous laissons derrière nous les différends et les conflits des pays d'où nous venons, et que nous vivons ensemble dans la paix et la civilité - le Canada étant un lieu de refuge. Nous ne visons pas les Canadiens qui vivent ici et ne les blâmons pas pour les actions entreprises par des gouvernements étrangers.

Nous ne devons pas laisser l'idéologie, le racisme ou la peur miner notre empathie, notre civilité et la tolérance sur lesquels elles reposent (voir la chronique du dernier numéro sur la diplomatie et la civilité à FaithToday.ca/TheGatheringPlace).

De nombreux chrétiens sont également venus au Canada pour échapper à l'oppression et à la persécution - pour trouver un refuge, un espace sûr pour vivre et pratiquer leur culte en toute liberté.

La Bible appelle les chrétiens à faire preuve de civilité et d'hospitalité (Luc 5:29-30 ; 10:25-37). Nous devons aimer nos ennemis (Matthieu 5:43-46 ; Marc 12:31 ; Luc 6:27-35). Nous devons pleurer avec ceux qui pleurent et avec ceux qui sont dans le deuil (Romains 12:15).

Ce faisant, nous offrons le refuge que tant de gens recherchent et dont nous avons nous-mêmes souvent besoin - un endroit sûr où être entendu et trouver du réconfort. En offrant un refuge et en créant des espaces sûrs, nous donnons l'exemple de la promesse de civilité et de paix du Canada.

bruce j. clemenger
Bruce J. Clemenger est ambassadeur principal et président émérite de l'Alliance évangélique du Canada, et l'auteur de The New Orthodoxy: Canada’s Emerging Civil Religion (Castle Quay, 2022). Photo We welcome refugees: Shutterstock.com.

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