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Pourquoi Jésus ne suffisait-il pas ?

28 April 2022 By Ron Pagé

Pour mettre fin aux abus, nous avons besoin de Jésus pour nous aider à faire face à notre humanité

Traduit par François Godbout. Ce texte en anglais

Lorsque la nouvelle de l'inconduite d'un autre leader chrétien fait le tour du monde, je me demande toujours : « Pourquoi Jésus n'a-t-il pas suffi? » Au cours de mes 30 années de travail comme psychothérapeute, j'ai eu accès aux coulisses de la vie de plusieurs dirigeants chrétiens coupables d'inconduite sexuelle et j'ai remarqué deux choses. Premièrement, ils savaient déjà comment éviter les situations compromettantes. La connaissance et les conseils n'étaient pas suffisants pour les empêcher de tomber dans ce péché.

L'autre chose qu'ils avaient en commun était le désir d'éviter la douleur. Pas la douleur physique, mais la douleur de l'âme.

L'autre chose qu'ils avaient en commun était le désir d'éviter la douleur. Pas la douleur physique, mais la douleur de l'âme.

Quel est donc le lien entre l'évitement de la douleur et l'inconduite sexuelle? Je crois que l'évitement de la douleur fait trois choses. Il nous rend plus vulnérables aux comportements compulsifs. Il nous déshumanise et déshumanise les autres. Et il nous pousse à transmettre notre douleur aux autres.

Comportement compulsif

Lorsque nous fuyons la douleur de l'âme et du cœur, tout peut devenir un péché - même les bonnes choses comme le ministère. Cela m'est arrivé.

J'ai été dirigeant d'une église florissante et prospère pendant 20 ans. Un jour, alors que je me précipitais vers une autre réunion, un bon ami m'a arrêté alors que je passais devant son bureau.

« Hé! Ron. Tu as une minute? »

J'ai pris un siège et il est allé droit au but. « Ma femme et moi parlions de toi l'autre soir. Nous avons remarqué combien tu es occupé, impliqué auprès de tant de personnes dans le besoin. »

Quelqu'un a remarqué, ai-je pensé. Merveilleux ! Voilà les félicitations.

« Nous sommes inquiets pour toi. »

Un instant. Quoi?!

« Est-ce que tout va bien? »

« Oui, merci. Tout va. . . . »

Une boule s'est resserrée dans ma gorge et des larmes ont rempli mes yeux. Tout n'allait pas bien, et au fur et à mesure que nous parlions, il est devenu évident que j'étais de plus en plus occupé pour éviter d'y faire face.

Toute bonne chose devient dangereuse lorsque nous l'utilisons pour fuir une douleur que nous sommes impuissants à éliminer. Les bonnes choses deviennent des idoles. Mon idole était l'approbation des gens, ce qui me poussait à me surmener compulsivement dans le ministère.

La contagion de la déshumanisation

Fuir la douleur nous déconnecte des autres réalités internes, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.

La chercheuse sociale Brené Brown a écrit un billet de blog utile en 2018 à ce sujet. Elle cite David Livingstone Smith : « Il existe des inhibitions très profondes et naturelles qui nous empêchent de traiter les autres personnes comme des animaux, du gibier ou de dangereux prédateurs. La déshumanisation est une façon de subvertir ces inhibitions » (Smith est un philosophe du Maine qui a écrit Less Than Human, St. Martin’s, 2011).

Mme Brown livre ensuite ses propres réflexions :

La déshumanisation a alimenté d'innombrables actes de violence, des violations des droits de la personne, des crimes de guerre et des génocides. Elle rend possible l'esclavage, la torture et la traite des êtres humains. La déshumanisation des autres est le processus par lequel nous acceptons les violations contre la nature humaine, l'esprit humain et, pour beaucoup d'entre nous, les violations contre les principes centraux de notre foi.

Le comportement déshumanisant n'est pas un concept nouveau. Il remonte au récit de la création dans la Genèse. Lorsqu'Adam et Ève ont dit non à Dieu, ils se sont dit non à eux-mêmes. Ils ont dit non au fait d'être humain, à leurs limites et à leurs besoins donnés par Dieu. Ils ont refusé de respecter des limites qui leur rappelaient qu'ils avaient été créés pour une relation de dépendance intime avec Dieu et d'interdépendance avec les autres.

Lorsque nous renions notre humanité, nous trahissons notre dignité. Prendre le fruit défendu semble justifié et nécessaire pour satisfaire les appétits voraces qui deviennent alors nos dieux (Philippiens 3:19).

Lorsque la douleur entre dans ma vie, je suis confronté à un choix. Vais-je assumer mon humanité? Vais-je accepter les limites, les peurs et les besoins qui indiquent que je ne suis pas fait pour être autosuffisant?

Transmission de la douleur

Un leader avec lequel je travaillais ne croyait pas que l'évitement de la douleur était nuisible à sa vie et à ses relations. Je lui ai demandé si je pouvais utiliser sa main pour lui montrer ce que je voulais dire. Lorsqu'il a accepté et l'a tendue vers moi, je l'ai giflée et l'ai fait grimacer de douleur.

« Ça fait mal, hein? » ai-je dit.

Il a hoché la tête.

« Si tu pouvais arrêter la douleur en désactivant les nerfs de ta main jusqu'à ton cerveau, tu le ferais? »

“Ouais!”

« Moi aussi, mais il y a un problème. Lorsque j'endors la douleur que je ressens dans ma main, j'endors également ma capacité à ressentir la douleur que j'inflige aux autres. C'est une des raisons pour lesquelles un enfant maltraité devient souvent un adulte maltraitant. »

Comme le dit Richard Rohr, un prêtre franciscain américain, « Si nous ne transformons pas notre douleur, nous la transmettrons assurément. »

Les problèmes du système

Dans l’exposé de Brené Brown que j'ai mentionné précédemment, elle décrit la tâche qui nous attend comme suit : « Parce que tant de systèmes de pouvoir usés par le temps ont placé certaines personnes en dehors du domaine de ce que nous considérons comme humain, une grande partie de notre travail consiste maintenant plutôt à réhumaniser. » 

Oui, les personnes placées hors de la classe des humains ont besoin d'être réhumanisées. Mais il en va de même pour les systèmes de pouvoir qui les y ont placées. La composante des systèmes de pouvoir dépasse le cadre de cet article, mais l'analogie suivante pourra peut-être faire ressortir jusqu’à quel point il est crucial que ce processus soit en deux parties.

Imaginez que vous entrez dans une flaque d'eau profonde et boueuse avec des chaussures et des chaussettes. Vous pouvez laver vos chaussettes, mais si vous ne lavez pas vos chaussures vos chaussettes propres se saliront à nouveau très vite.

Le rôle de Jésus

Lorsqu'il s'agit de réhumaniser les gens, un aspect consiste à apprendre à faire face à la douleur, et non à la fuir. Cela me ramène à ma question initiale : Pourquoi Jésus n'était-il pas suffisant pour ces dirigeants? Pourquoi Jésus n'était-il pas suffisant pour moi?

Suffisant pour quoi? Pour m'aider à me sauver de la douleur dans mon cœur et mon âme?

Jésus peut nous aider à ralentir et à prendre soin de la dignité de notre humanité.

Si c'est tout ce que je veux, le péché, et non Jésus, fera un meilleur travail - pour un temps.

En revanche, Jésus est suffisant pour m'aider à affronter ma douleur. Si nous coopérons avec Lui, Il peut nous aider à ralentir et à soigner la dignité de notre humanité.

J'ai vu Jésus faire cela par Son Corps, la communauté chrétienne, lorsqu'elle se soucie du bien-être d'une personne plus que de ses performances.

Lorsque j'étais dans cette phase de surmenage du ministère, il aurait été facile pour mon ami (ou le système de pouvoir qui m'entourait) de simplement applaudir mon comportement. Au lieu de cela, la curiosité compatissante de mon ami m'a offert la permission et la sécurité d'arrêter.

Alors que je donnais une voix à ma solitude et à mes peurs, mes larmes de douleur sont devenues des larmes de gratitude. Je comptais suffisamment pour que quelqu'un me voie. Me voie vraiment.

L'amour de mon ami a incarné la présence de Jésus et m'a réhumanisé. Il m'a ramené chez moi et dans le cœur du Père.

Retour à la maison. Réhumanisation. Un processus à la fois douloureux et doux. Le processus continu d'être libéré par l'Amour pour être aimé et pour aimer.

Ron Pagé est un psychothérapeute à Ottawa. Le message auquel il fait référence se trouve à l'adresse www.BreneBrown.com/Articles/2018/05/17/Dehumanizing-Always-Starts-With-Language.

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